2015-11-26
Peu de pays méritent autant leur réputation de terre équestre que la Mongolie. Et justement, le berceau de Gengis Khan baigne dans une culture musicale toute entière imprégnée du cheval, depuis la composition des instruments jusqu’aux thèmes des chansons. Montez le son et laissez-vous emporter…
La musique de Mongolie forme un ensemble très contrasté, depuis les chants gutturaux traditionnels jusqu’au rap et au « folk métal », en passant par la pop, le tout grâce à un très grand nombre d’instruments traditionnels. L’influence d’une culture équestre et chamanique ancestrale se ressent pour ainsi dire dans chaque composition.
© Caval&Go
C’est cette diversité musicale que nous avons souhaité vous faire découvrir, en gardant bien sûr le cheval pour fil conducteur.
Les chants traditionnels
Très connus au sein de la musique mongole, les chants gutturaux sont surtout pratiqués par les Touvains – qui ne constituent pas une ethnie mongole ni même russe, mais plutôt d’origine turque. La république de Touva fait administrativement partie de la Russie.
Bien que le chamanisme y soit officiellement interdit depuis les années 1930, il a perduré pendant la période communiste, notamment à travers ces chants. Il est désormais totalement accepté. La croyance aux esprits y est très apparente. Le chant guttural imite des sons produits par les lieux ou les êtres environnants. Aucun doute possible, certains ressemblent fort au hennissement ! Un hennissement doux et harmonieux, qui a pris le meilleur de l’animal et de l’humain pour faire le lien entre les deux…
Les chanteurs cherchent à établir un contact avec un « esprit-maître » en reproduisant ces sons. Ils relèvent parfois de la supplication, de la gratitude, ou d’une demande de protection. Des instruments de musique traditionnels peuvent les accompagner.
Les mouvements imitent les sauts, le pas tranquille et le galop, avec de grands mouvements des bras, des poignets et des épaules, ainsi que des jambes.
Le morin khuur
Le morin khuur est l’instrument emblématique de la Mongolie, une viole à deux cordes de crin et au manche de bois sculpté en forme de tête de cheval. Reconnu comme patrimoine mondial, il créé un son plaintif et envoûtant. La légende du morin khuur connaît de très nombreuses variantes, preuves de sa vivacité chez les conteurs mongols.
Un prince cavalier est tombé amoureux d’une lointaine et humble bergère. Il vit sur une étoile où tout n’est que bonté et beauté, la rejoignant chaque nuit avec sa monture enchantée. C’est un cheval ailé, capable de décoller aux battements de ses puissantes ailes. Avant l’aube, il s’élève avec le prince dans le ciel et le reconduit sur son étoile. La bergère souffre de voir son aimé la quitter avant le matin. Elle finit par couper les ailes de son cheval, espérant ainsi le garder auprès d’elle.
Alors que le prince retourne au ciel avant l’aube, il s’inquiète de voir sa monture souffrir et peiner. Le cheval enchanté perd de l’altitude, s’écrase dans un désert et en meurt sur le coup. Submergé par la tristesse et la douleur, le prince saisit la tête de son animal entre ses bras et la caresse longuement. Il pleure, certain de ne jamais revoir ni sa bergère ni son étoile. Entre ses mains, les larmes se mêlent aux crins. Quelle surprise lorsqu’un instrument de musique remplace le cheval sous ses doigts ! Le premier morin khuur naît de l’amour et d’un miracle1.
Dans une autre version assez proche, un pauvre berger (Hohoo Namjil, Cuckoo Namjil ou Kükü Namjil) émeut une bienveillante divinité. Elle lui remet un cheval volant, pour qu’il rejoigne son aimée toutes les nuits en se jouant des distances. Mais comme toujours, un amour si grand ne tarde pas à éveiller la jalousie et les convoitises ! Une mauvaise femme profite que le cheval soit sans surveillance pour lui couper les ailes. Quand Namjil rejoint son destrier, il gît mort d’avoir chuté des cieux. Fou de tristesse et pris d’une soudaine inspiration, Namjil rassemble les os de son cheval et se met à les sculpter. Il coupe les crins et créée un violon à deux cordes, au manche terminé par une tête de cheval.
Dans la troisième version, un enfant nommé Sukhe (parfois Suho) aime profondément son cheval blanc, tué par un seigneur voisin ennemi de sa famille. Inconsolable, il s’endort auprès du corps de l’animal et l’esprit du cheval lui apparaît en rêve. Il lui demande de faire de son corps un instrument de musique, pour qu’ils puissent être unis à tout jamais. La dernière version parle simplement d’un vieux cavalier mongol, qui avait passé toute sa vie avec son cheval aussi âgé que lui. Quand l’animal meurt de vieillesse, il sculpte le morin khuur avec ses os et ses crins.
Des compositions modernes qui puisent dans la culture équestre
Bien qu’elle ait su conserver ses pratiques traditionnelles d’une manière remarquable, la Mongolie n’en est pas moins un pays ouvert sur le reste du monde, qui offre à sa manière des compositions musicales modernes puisant dans des influences diverses (pop music, rap, metal…) tout en gardant un fond et des thèmes propres à la culture du pays.
Ainsi, le groupe Tengger Cavalry reprend dans ce morceau, intitulé « cheval de guerre », des influences propres aux chants des cavaliers mongols traditionnels, en les accompagnant de musique metal. Ce qui donne ce morceau très brutal et guerrier, rappelant une charge de cavalerie.
Le groupe de rap Fish Symbolled Stamp mélange l’influence du rap américain (on y reconnaît l’archétype du genre, du style vestimentaire jusqu’à la mise en scène du clip) et la culture traditionnelle, celle des cavaliers sur de grands espaces… surprenant !
Par Cheval-Savoir www.cheval-savoir.com