Jurassic Park dans les salles de ventes

Mis en ligne le 2011-10-06

 Lot n° 32. Momie dinosaure Prosaurolophus maximus (Barnum Brown), fin du crétacé

Trois squelettes entiers de dinosaures vont être mis en vente chez Sotheby's, à Paris, le 13 octobre.

Les dinosaures, ces «terribles lézards», fascinent désormais les collectionneurs d'art contemporain autant que les scientifiques. «Ce sont des animaux mythiques, qui font rêver les gens. Certains sont gigantesques et d'autres pas plus grands qu'un chat. Puis, on parle d'extinction, les derniers ont vécu il y a 65 millions d'années, ça fait aussi réfléchir sur le propre devenir de l'homme», analyse l'expert Éric Mickeler de la future vente chez Sotheby's. Cette deuxième vacation est très attendue, après celle de l'année dernière où un dinosaure avait été adjugé à 1.296.750 €.

Pour la première fois, trois grands squelettes de dinosaures, complets à plus de 75 %, vont être mis aux enchères. L'attraction majeure est un Prosaurolophus maximus de plus de onze mètres, estimé entre 1,2 et 1,5 million d'euros. Mais le plus extraordinaire, parce que le plus rare, est le ténontosaure, découvert presque par hasard dans un ranch du Montana, le 27 juillet 2008. «Seule une petite section d'une vertèbre de queue était visible à l'air libre», raconte le professeur américain Larson, dans le catalogue de vente. «Très musclé, ce robuste dinosaure grégaire, baptisé du nom de “Clover le Combattant”, vivait en Amérique du Nord, au début du crétacé. Il parcourait les vastes plaines, se nourrissait de végétaux qu'il détachait avec son bec à corne et mâchait à l'aide de ses dents situées à l'arrière de sa gueule.» Description froide, anatomique, d'un médecin légiste ou même d'un profileur. «Outre le fait que ce squelette présente l'incommensurable intérêt d'être complet à un os près on avance ici l'incroyable pourcentage de 98 % des os d'origine -, il montre l'historique d'une des plus effroyables scènes de vie qui ait pu se produire à l'époque de ces géants de la préhistoire, à savoir les traces d'un combat», poursuit Larson. C'est à peine croyable: l'animal se présente tel qu'il est mort, et tel que les paléontologues l'ont trouvé. Ce sont d'ailleurs eux qui le mettent en vente, entre 600.000 et 700.000 €, pour financer les fouilles.

«Des pièces comme ça, on n'est pas près d'en revoir», martèle Éric Mickeler. Sans doute la raison du succès de l'exposition exceptionnelle de l'ensemble du bestiaire à l'Institut de paléontologie humaine de Paris, d'ordinaire réservé aux chercheurs, qui a attiré près de 25.000 visiteurs.

Éric Mickeler est l'homme qui a lancé la mode de ces enchères atypiques en Europe. Il y a onze ans, ce passionné d'histoire naturelle a flairé le filon lors des enchères titanesques d'un Tyrannosaurus rex complet, connu sous le nom de «Sue», chez Sotheby's New York. Le squelette pulvérisa le record inégalé de 8,3 millions de dollars, pour entrer dans les collections du Field Museum de Chicago, soutenu par deux mécènes, McDonald's et Disney.

Dix ans plus tard, chez Christie's Paris, Mickeler tentait l'expérience avec la vente très médiatisée d'un squelette de mammouth, adjugé à 312.000 €. Un collectionneur d'art contemporain emportait la pièce, au grand dam de la communauté scientifique. «Pourtant, les particuliers achètent souvent pour des musées», assure l'expert, qui espère que le Muséum national d'histoire naturelle de Paris ou celui de Marseille pourront, d'une manière ou d'une autre, bénéficier de ces trésors.

Le potentiel spéculatif de la paléontologie est énorme. Mais les gisements de dinosaures ouverts au marché de l'art ne sont pas légion. «Dans le sud de la France, on trouve des œufs de dinosaures, mais on ne peut plus les prélever ni les commercialiser depuis une dizaine d'années. Hors de nos frontières, la Chine les interdit d'exportation. Sur le marché de Shanghaï, on trouve de la poudre de dragon dans la pharmacopée, en réalité de la poudre d'os de dinosaure», explique l'expert. D'autres grands gisements ont été découverts en Mongolie et en Algérie, mais ces pays en interdisent aussi l'exportation. Le Maroc, lui, permet de sortir «de petites pièces» des monts Kem-Kem.

Reste le continent américain, États-Unis, Canada, l'eldorado des amateurs. Des collectionneurs qui vont jusqu'à édifier un bâtiment tout autour de leur dinosaure trop grand. «C'est arrivé aux États-Unis, où un grand industriel vivant sur la côte Ouest, dans l'État de Washington, a fait construire autour de son Tyrannosaurus», se souvient Mickeler.