mis en ligne le 2011-09-02
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Peuple musulman d’origine turque, les Tatars ont émigré en partie il y a 700 ans vers la Pologne. | |
Les Tatars : Musulmans dans la République de Pologne » est le titre d’une exposition organisée à Tunis sous les auspices de l’ambassade polonaise. | |
Elle a été inaugurée le 20 août par Tomasz Miskiewicz, imam de Bialystok et grand mufti de Pologne. Par ce geste symbolique, la Pologne, qui préside actuellement le Conseil de l’Union européenne, entend se rapprocher davantage du pays qui a vu naître le printemps arabe. Avec leurs quelques sept siècles de présence sur le sol polonais, les Tatars sont sans conteste la plus ancienne communauté musulmane de l’Europe du nord-est. Peuple turc, les Tatars sont des guerriers nomades. Ils ont quitté la Mongolie, leur foyer d’origine, aux environs du XIIIe siècle. Ils font partie de la Horde d’Or (Altın Ordu, 1240-1502), vaste empire musulman turco-mongol gouverné par une dynastie issue de Gengis Khan. Délaissant l’Asie Centrale et la Crimée, une partie d’entre eux migrera vers le grand duché de Lituanie et la Pologne, pays qui payaient tribut au Grand Khan. C’est en effet le roi polonais d’origine lituanienne Ladislas II Jagellon qui fera venir les premiers Tatars sur ses terres à la fin du XIVe siècle. Soucieux de mettre à son service leur légendaire vaillance militaire — les Tatars sont notamment d’excellents cavaliers —, il leur accordera terres et privilèges. Braves et loyaux, ils augmenteront en nombre, et verront leur statut confirmé. Ils se battront ainsi sous l’étendard polonais lors du siège de Vienne par les Ottomans (1529). Au cours de la bataille de Parkany en 1683, le colonel tatar Samuel Mirza Krzeczowski sauvera la vie du roi Jean III Sobieski. En signe de reconnaissance, le souverain offrira aux Tatars la région de Podlasie. La communauté musulmane compte alors près de 100.000 individus. Au XVIIe siècle, au sein de la République des Deux Nations (fédération lituano-polonaise), la noblesse musulmane tatare a la même position et les mêmes droits que la noblesse chrétienne, exception faite du droit de vote. A partir du XVIIIe siècle, les imams sont engagés dans l’armée au même titre et avec les mêmes droits que leurs homologues chrétiens. Enfin, la Constitution du 3 mai 1791 garantira l’égalité de tous devant la loi. Entretemps, les Tatars seront devenus Polonais, au prix, il est vrai, d’une très forte déculturation. Les quelques traditions culinaires ou vestimentaires qui subsistent appartiennent au folklore. Mais surtout, leur parler turc originel a été abandonné dès le XVIe siècle ; au profit du polonais pour l’aristocratie, du ruthène pour le peuple. Population quasi-exclusivement masculine, les premiers migrants ont épousé des Polonaises, dont ils ont souvent adopté le patronyme. Leurs enfants, bien qu’élevés dans la foi islamique, portaient indifféremment des prénoms musulmans ou chrétiens. Puissant marqueur identitaire, quoique symbolique, l’emploi de l’alphabet arabe a pu se maintenir longtemps. Jusqu’au XIXe siècle en effet, une abondante littérature religieuse — commentaires du Coran (tafsîr), recueils de hadîths, livres de prières — rédigée en polonais, était notée au moyen de l’alphabet arabe. Mais quoique très ancienne, la communauté musulmane tatare de Pologne est aujourd’hui une communauté moribonde. Si les mosquées tatares qui subsistent ne se distinguent des églises rurales que par les croissants qui les ornent, elles sont autrement moins nombreuses : au nombre de trois, pour quelques 5.000 fidèles. Les Tatars ont pourtant été parmi les plus vaillants défenseurs de la patrie polonaise, — qui leur doit, en outre, quelques-uns de ses plus grands noms : le général de cavalerie Aleksander Romanowicz, la sculptrice Magdalena Abakanowicz, ou encore le prix Nobel de littérature Henryk Sienkiewicz.
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