Guy Contard, ex attaché culturel en Mongolie : Son parcours en Mongolie !

Guy Contard est l’actuel secrétaire général de l’ACFM-Mongolie.

Comment ce diplomate au goût de Culture, est-il arrivé la ?

Retour sur une trajectoire qui l’a fait débarquer un jour de grand froid à Oulan Bator :

    « En 1991 ma mission prenant fin en Turquie j'avais demandé la direction d'une Alliance Française en Islande, celle de Reykjawik: les glaces et les volcans... un peuple cultivé ..Mais je ne l'obtins pas, supplanté par un autre. Il fut ensuite question de ..Yamousoukro..et puis non. Il restait Oulan Bator où personne n'était chaud (c'est le mot ! d'aller subir les conséquences du retrait soviétique ..Comme disait un ami très cher, ma santé était le plus bel atout de ma carrière. On me pria donc en conséquence d'y aller "sans état d'âme"..et sans Ambassade! Mon passeport diplomatique indiquait "Attaché à l'Ambassade de France à Oulan Bator"...qui n'existait pas encore ! " Je dépendais de Moscou pour l'administratif et de Pékin pour les finances . Sans Amabassadeur sur place ..Liberté grande !

A notre arrivée, heureuse coïncidence, une fête universitaire nous accueillit : les Peace Corps, bottés et drapés de deels fourrés jouaient les grands espions internationaux et de la guitare, chantant sur scène dans un concours de chant, ce qu'adore les Mongols. Soudain apparut sur scène un femme de service pauvrement vêtue de son tablier de travail. Plantée sur scène , calée sur son ventre, elle ouvrit la bouche pour un "ortin doo", ce chant long qui semble traverser la steppe, le temps, l 'espace comme le cri de l'amour lointain, de l'espace et de l'histoire et déchiré par l'attente . Nos larmes, Nicole, ma femme, et moi, nous surprirent : nous étions bouleversés et conquis par ce peuple, cette culture encore si vivante et prête à vibrer avec cette force saisissante .

Les premiers jours le silence de la ville sans voitures quasiment ,nous permit de nous croire sourds. Sous les chutes de neige, la nuit ,la vision digne de Bunuel de troupeaux de vaches laineuses cheminant en ignorant les rares feux rouges. J'assistais au plus étrange accident de voitures imaginable : devant le Musée de la Révolution, deux uniques voitures visibles se percutèrent ! Les chauffeurs descendant aussitôt pour,  eux aussi, se percuter ! Une empoignade par les vestes , en fait .

Ces débuts furent pittoresques et mon épouse Nicole qui ne voulait pas vivre « plan plan » fut servie ! Il fallait d'abord vivre, et à cette époque, les cartes de rationnement des magasins des "spécialistes » faisaient rêver car les marchandises prévues restaient virtuelles (la Révolution fait confiance à ses spécialistes")

Les étals du magasin20 étaient pittoresques... mais vides si l'on excepte des oignons desséchés et des galettes rigoureusement incassables évoquant des céramiques de fouilles. L'achat des pommes de terre évoquaient la mêlée de rugby, heureusement j'en avais un peu pratiqué les secrets et la brutalité .Je revois les caissières coiffées de leur grand calot blanc, très souveraines, à qui l'on tendait dans la cohue le ticket de caisse prouvant la réalité de l'achat et le passage à la caisse, lui aussi très viril .Il fallait bien vivre ; Je faisais le pain et les yaourts, grâce au radiateur toujours chaud et les repas à l'hôtel Oulan Bator était à l 'époque égayé par des pugilats spectaculaires et habituels, si bien qu'un soir, saluant un ami et me levant dans ce but, je vis la salle braquer ses regards sur nous, dans l'attente des premiers " échanges virils "!

L'amitié des Mongols fut merveilleuse et grâce à eux nous survécûmes fort bien : je revois Nicole, empoignant une carcasse de mouton dans la neige et la charriant en riant avec son amie Maika avant de l'attaquer à grands coups de hache arrivée à la maison! Survivre et travailler quand même, d'autant plus que mon chef direct, le remarquable Ambassadeur François Morel à Moscou ne pouvait savoir à 5500km ce que je faisais ! Et donc je le faisais d'autant mieux, lui proposant de monter un Centre culturel au cœur de la vill  ,à l'Institut des Langues étrangères. 100 m2 seulement mais bien équipé en audio visuel et livres ( fournis par les Sénateurs venus sur place en 96, sympathique trio de mousquetaires pleins d'humour et d' énergie. Quel rêve ce fut ! Nos étudiants débordaient d'optimisme, et nous étions frères en pauvreté . Les fêtes de Noêl furent un rêve idéaliste : gâteaux au beurre coloré et sucré, boissons variées, chansons et rires. Le romantisme d'une belle jeunesse.

            Les écoles mongoles , chacune équipée d'un petit théâtre ou d'une scène rudimentaire mais présentant de charmants spectacles, me séduisirent aussi par leur extraordinaire climat paisible entre les enfants et les maîtres.

Les installations électriques ne manquaient pas de pittoresque ni certains planchers près de l'effondrement : nos amis Mongols ne craignent pas la mort!

Le premier envoi de boursiers en France tint de l'aventure nomade : transsibérien jusqu'à Moscou, où, groupés à 15 dans une chambre, ils attendirent une semaine leur visa avant de prendre le train jusqu'à Varsovie. Puis le car jusqu'à Strasbourg ! J'ai oublié la suite mais je les attendais à une porte de Paris ,en pleine forme mais étourdis.

En 1997 un Ambassadeur non-résident fut nommé, venant au poste une quinzaine tous les deux ou trois mois ; La dernière année, j'obtins de l'Université d'Etat la disposition d'une tour où je rêvais d'installer l'émetteur de RFI (Radio France Internationale, inaudible en ondes courtes que nous aurions émis en FM à Oulan Bator) J'avais obtenu du Ministère compétent l'autorisation d'émettre et une fréquence attribuée (101fm) Ce document je le faxais aussitôt à mon Ambassadeur à Paris. De plus, grâce à l'altitude de la capitale mongole (1100m), nous pouvions en ondes courtes arroser en mandarin tout le Nord de la Chine, y compris Pékin!

Je croyais rêver sur ce coup, très supérieur au centre culturel de 100m2. De Paris, ce fut le silence radio, c'est le mot juste. Pourtant Cluzel, PDG de RFI avait marqué son enthousiasme pour le projet qui se concrétisait . Jamais je n'aurais imaginé qu'il serait torpillé par ..mon Ambassadeur qui se justifia par une phrase lapidaire :" trop peu de francophones à Oulan Bator ". Par relation je pouvais avoir accès au Président Chirac qui à coup sûr aurait exigé la réalisation de la station. Je ne me sus jamais consolé de ce torpillage et j'y repense encore aujourd'hui..

Heureusement il me reste tous les autres beaux souvenirs...J'entends encore les chansons de nos étudiants ,les voix fraîches des enfants du Palais des Pionniers, les lunettes pleines de givre de nos vieux profs fanatiques de la langue française , nos fidèles amis des" belles années" comme dit ma chère Khemedekh »

 Guy Contard recevant la médaille commémorative du 800ème anniversaire de l'Etat de Mongolie à l'ambassade de Mongolie en France en 2007

 Lien vers souvenir de la 1ère visite diplomatique en 1996