Mis en ligne le 2011-11-17
C'est un ouvrage qui a nécessité deux ans de travail. « Je suis le spécialiste français de la musique mongole », affirme sans la moindre prétention Alain Desjacques, qui a grandi à Nantes et enseigne l'ethnomusicologie (l'étude des musiques de traditions orales) à l'université de Lille III : « Quand on est dans ce secteur de la tradition orale, on ne peut pas isoler la musique des chants et des contes. J'ai donc dû m'investir de plus en plus dans la langue mongole. J'ai appris le mongol à l'Institut des Langues et Civilisations Orientales mais j'ai fait aussi de longs séjours sur place tant et si bien qu'un jour, je me suis dit qu'il faudrait que je traduise Tintin au Tibet. Mon premier contact avec les éditions Casterman remonte à 1988 ».
Alain Desjacques avait 10 ans quand son père lui a offert le 20e album d'Hergé pour son anniversaire. Il en retient « le moine en lévitation qui montre le côté spirituel de la religion, ces moinillons qui jouent aux cerfs-volants qui sont des symboles religieux, la rencontre avec ce grand Lama porteur de beaucoup de sérénité... ». Et puis, il y a le légendaire yéti : « C'est un personnage de la mythologie tibétaine qu'on retrouve dans la mythologie mongole, sous le nom d'"Almas". Au fond, c'est le monstre qu'on a en soi d'une certaine façon ».
Alain trouve bientôt sa « voie » (sans perdre la tête) : l'ethnomusicologie. « Avec les autres albums de Tintin comme Tintin chez les Picaros ou L'Oreille Cassée, je m'y suis intéressé très jeune. À l'âge de 15 ans, mon père m'a offert le livre Tristes Tropiques, de Claude Levi Strauss. Cela a été un deuxième déterminant ». La traduction de Tintin au Tibet, achevée en 2007, lui a pris deux ans avec l'aide de sa femme, Amarsanaa Altansan, et de la Fondation Hergé, qui a offert 1 000 exemplaires de l'ouvrage pour en faciliter l'accès aux jeunes Mongols : « La religion qu'on trouve dans Tintin au Tibet, c'est la même que celle qu'on trouve à Oulan-Bator - la capitale de la Mongolie -, celle du Dalaï Lama. Et puis, je voulais que l'album soit directement traduit du français en mongol. Il y a bien des traductions chinoises mais les chinois imposent le titre Tintin au Tibet Chinois. Pour les jurons du capitaine Haddock, il a fallu que j'adapte ! "Mille million de mille sabords" par exemple. Cela signifie un danger imminent. Mais il n'y a pas de marine en Mongolie ! Des amis militaires mongols m'ont dit qu'ils avaient une expression signifiant "mille millions de petits soldats poussiéreux". On trouve le seul bateau de la marine mongole sur le lac Kövsgöl. Alors, le juron "tonnerre de Brest" est devenu tonnerre de "Khatgal" qui est le nom de son port d'attache ».
Alain Desjacques aimerait ne pas en rester là et rêve de traduire Le Sceptre d'Ottokar pour son écho historique aux invasions de Genghis Khan. •
Le blog d'Alain Desjacques : http://alaindesjacques.blog4ever.com/blog/index-442226.html