Mis en ligne le 2011-12-27
«Je vis dans un centre de requérants. Je suis bien placé pour voir que des gens abusent de ce système. Un employeur me donne la possibilité de faire vivre ma famille, mais on me refuse cette chance. C’est stupide!»
Colère et incompréhension se mêlent dans la voix de Nyamsaikhan Sukhbaatar. Agé de 29 ans, il est arrivé de Mongolie comme réfugié économique il y a six ans. Requérant d’asile, il a été ballotté d’un centre EVAM à l’autre, avant d’être placé au foyer de Bex. Sa vie aurait pu prendre un tour plus réjouissant lorsqu’il a frappé, il y a quelques mois, à la porte d’un garage de Bex. «Nyam est entré pour demander à photocopier une petite annonce qu’il voulait placer dans les commerces du coin, raconte le garagiste Fabio Becci. Il cherchait un boulot au noir, pour arrondir ses fins de mois. On avait besoin d’un manœuvre, on l’a engagé pour une journée. Au black.»
Bosseur et enthousiaste, le demandeur d’asile donne entière satisfaction à son employeur d’un jour. «Je lui ai tout de suite proposé un poste fixe, poursuit Fabio Becci. Pour ne pas être dans l’illégalité, on a déposé une demande de permis de travail.» La réponse du Service de la population (SPOP) tombe: vu la «décision de rejet et de renvoi définitive, assortie d’un délai de départ actuellement échu», le requérant doit être licencié sans délai. «La loi fédérale sur l’asile stipule qu’un demandeur débouté n’est pas autorisé à travailler», explique-t-on au SPOP.
Un point surprend: le ressortissant mongol affirme avoir travaillé pour la police cantonale comme interprète lors d’interrogatoire de compatriotes. Une information que la police ne confirme pas ni n’infirme.
«Notre politique d’asile est ce qu’elle est, avec ses bons et ses mauvais côtés, et je ne la conteste pas, soupire Fabio Becci. Mais en attendant qu’on le renvoie, pourquoi ne pas le laisser bosser? Nyam est un prisonnier en liberté qui coûte au contribuable, alors qu’il pourrait gagner sa vie.»
A Bex, l’histoire de ce père de deux enfants – le second est né en Suisse – a suscité un élan de sympathie. Mais les lettres de soutien n’y pourront pas grand-chose. Le Mongol sera tôt ou tard renvoyé dans son pays. Seule lueur d’espoir: celle d’obtenir une régularisation à titre humanitaire, précise le SPOP. Fabio Becci, lui, tient bon: «Ce n’est pas dans ma nature de me mettre hors-la-loi. Mais cette affaire est injuste. Nyam vaut la peine qu’on se batte pour lui!»